Brésil : Une ville suisse

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Message  ADMIN Jeu 8 Avr - 18:46

Sur les hauteurs de la Serra Fluminense, à cent trente kilomètres des plages de Rio de Janeiro, trône une ville de 185'000 habitants. Elle assume fièrement son héritage helvétique et s’apprête à fêter en grande pompe les deux cents ans de sa fondation. De nombreuses initiatives des deux côtés de l’Atlantique renforceront les liens existants.

Le gouverneur de l’État de Rio de Janeiro ne s’est pas trompé en septembre dernier en octroyant le statut de «ville suisse» à Nova Friburgo. Il s’agit là d’un acte symboliquement fort, visant à reconnaître les relations profondes qui lient la ville et sa région à notre pays.

Née d’un décret du roi du Portugal Dom João VI Brésil datant du 16 mai 1818, la ville a un destin à jamais lié à ses familles de migrants suisses qui ont aidé à la façonner. Ces liens se sont même beaucoup renforcés au cours des dernières décennies grâce à de nombreux échanges. Afin de fêter dignement ce jubilé, l’année 2018 verra se succéder des initiatives destinées à créer de nouvelles synergies. L’appel aux jeunes mettra l’accent sur l’avenir.

Mais comment anticiper le futur sans se pencher sur le passé et cette singulière histoire. La Suisse a été, hormis le Portugal, la première nation à organiser, au début du dix-neuvième siècle, une migration collective vers le Brésil. Vu d’Europe, ce pays se présentait alors comme un nouveau monde aux perspectives alléchantes, bien loin des difficultés qui frappaient à l’époque le continent.

L’appel du roi

L’histoire de la cité débute avec la signature du décret du roi du Portugal Dom João VI, le 16 mai 1818. Un accord de colonisation agricole est conclu avec le gouvernement fribourgeois et ouvre ainsi la porte à la venue au Brésil de cent familles suisses. En ce début de siècle, les Suisses, qui excellent dans les durs métiers de la terre, souffrent en 1816 de conditions météorologiques désastreuses provoquées par l’éruption du volcan Tembora en Indonésie. Cette «année sans été» amène une vague de froid et des pluies diluviennes sur l’Europe. Elles auront raison des récoltes et feront ressurgir la famine et la pauvreté, avec leur cortège de morts.

Un voyage héroïque

En juillet 1819, un premier contingent de deux mille six personnes embarque d’Estavayer-le-Lac pour rejoindre ce qui représente alors pour eux un nouveau monde. Il faut noter en plus des 830 Fribourgeois, 500 Jurassiens (à l’époque Bernois), 160 Valaisans, 143 Argoviens, 140 Lucernois, 118 Soleurois, 90 Vaudois, 17 Schwytzois, 5 Neuchâtelois et 3 Genevois qui complètent le contingent. La première étape de ce voyage héroïque emmène les migrants aux Pays-Bas par l’Aar et le Rhin. Là, ils attendent six semaines avant de poursuivre leur voyage, entassés dans des camps de fortune où sévit le paludisme. Les premiers migrants sont enterrés avant même d’avoir vu la mer. C’est finalement en septembre 1819, et répartis sur sept bateaux, qu’ils aperçoivent l’océan Atlantique. La grande traversée dure 55 jours pour le premier bateau amarrant dans le port de Rio et 146 pour le dernier arrivé. Au cours de la traversée de l’Atlantique, les avaries, la maladie et la dureté du voyage ont raison de la vie de près de 400 migrants.

À la fin de 1819, les survivants se réunissent à Rio de Janeiro, et reprennent des forces avant de poursuivre leur périple à pied, à travers la forêt tropicale. La ville promise est finalement rejointe le 17 avril 1820. Les immigrants donnent à leur cité le nom de «Nouvelle Fribourg». Nova Friburgo est née. Les autorités communales sont constituées, des lieux de culte improvisés et la première école fondée. Afin de soutenir les familles les plus précaires, l’Association philanthropique de Rio de Janeiro voit le jour en 1821.

Des débuts difficiles

Les rêves agricoles des colons sont mis à rude épreuve. La terre est bien difficile à travailler et il est plus compliqué que prévu de transformer la forêt vierge en une terre d’alpage. Certains s’en vont un peu plus loin et se lancent dans la culture du café. C’est l’expansion de ce commerce qui assure l’avenir de la ville et sa pérennité. Elle devient une étape stratégique sur le chemin de la capitale Rio de Janeiro et son accès vers la mer.

Terre d’accueil, la région recevra d’autres colonies à travers les périodes suivantes. Cela contribuera à faire de Nova Friburgo la ville de tous les peuples. «A cidade de todos os povos» est la devise de la cité. La place principale de la ville arbore fièrement les drapeaux de toutes les colonies qui ont façonné son destin au cours des derniers siècles : le Portugal dès la colonisation, la Suisse (dès 1820), l’Allemagne (1824), l’Italie (1855), le Liban (1870), l’Espagne (fin du 19e siècle), le Japon (1908), l’Autriche (1928), la Hongrie (1956), le Japon (1908), sans compter une colonie d’esclaves en provenance d’Afrique dès le 18e siècle.

Des relations espacées

Au fil des décennies, le sentiment d’appartenance à la culture suisse s’estompe dans les familles. Les autorités helvétiques semblent aussi ne plus guère porter attention à ces quelques centaines de Suisses, partis loin de la mère patrie.

La publication en 1973 d’une thèse intitulée «Genèse de Nova Friburgo» rédigée par un jeune étudiant historien fribourgeois, Martin Nicoulin, et retraçant l’odyssée de 1819 de ces lointains cousins remet en lumière l’aventure de ces Suisses. Ce regain d’intérêt se manifeste par la création en 1978 de l’Association Fribourg-Nova Friburgo qui a pour but de fournir un soutien aux habitants de la ville brésilienne tout en cultivant le souvenir de la migration suisse. L’invitation d’une délégation de Nova Friburgo à défiler lors des festivités du cinq centième anniversaire de l’entrée du canton de Fribourg dans la Confédération en 1981 renforce également les liens.

Une ville dynamique ouverte sur l’avenir

La ville compte aujourd’hui plus de 185'000 habitants répartis dans ses huit districts. La population féminine y est majoritaire (52%). L’héritage de sa colonisation par les Européens fait qu’aujourd’hui encore, Nova Friburgo est la ville ethniquement la moins mélangée de l’État de Rio de Janeiro, sa population étant à 72% blanche. Située sur les hauteurs de la Serra Fluminense et culminant à 850 mètres d’altitude, la cité est considérée comme la ville la plus froide de cet État.

Touchée par la crise économique, la ville s’est vue obligée de repenser ses activités, qui sont principalement liées à l’industrie textile et à la métallurgie. L’agriculture y est aussi très présente, ainsi que l’horticulture. La ville est aujourd’hui considérée comme la capitale du Brésil de la lingerie, de la culture des fraises et de l’élevage des truites. Le tourisme – en grande majorité indigène – est également un secteur d’activités florissant de l’économie locale grâce à des paysages bucoliques. Les personnes en quête d’aventure et d’émotions fortes trouveront certainement leur bonheur dans cette ville, qui offre de nombreuses possibilités en matière d’écotourisme et de sport en extérieur.

Au cours des dernières décennies, la ville a entamé sa mutation, passant d’un profil plutôt industriel à une identité académique plus forte, ce qui a conduit à un rajeunissement de la population. Ce choix s’est traduit par l’installation de nouveaux établissements universitaires et a ouvert de nouvelles perspectives. Aujourd’hui, la ville compte six universités, dont trois privées, un campus fédéral et deux établissements de l’État de Rio de Janeiro.

Un anniversaire à marquer dignement

À l’occasion du bicentenaire de la création de la ville de Nova Friburgo, le gouvernement suisse, par l’intermédiaire du DFAE (Présence Suisse), a décidé, en accord avec le réseau des représentations suisses au Brésil, de mettre sur pied un programme, patronné par le président de la Confédération 2018, le conseiller fédéral fribourgeois Alain Berset. Il veut ainsi renforcer les forts liens déjà existants entre la Suisse et la région tout en créant de nouvelles et durables synergies. Il est indispensable d’assurer la continuité de la visibilité de la Suisse au Brésil.

Entre tradition et modernité, l’objectif est d’offrir l’image d’un pays non seulement respectueux du passé et de l’histoire de ses migrants, mais aussi bien ancré dans le présent et prêt à montrer, avec humilité, son audace, son dynamisme et son esprit positif. Cela s’exprimera cette année à travers les nombreux projets réalisés dans les domaines suivants :

histoire et éducation, grâce au soutien d’un projet d’auto-apprentissage sur de la migration suisse destiné aux élèves des écoles publiques et à la mise sur pied d’une création théâtrale sur la migration suisse.

gastronomie, grâce à la présence de deux chefs fribourgeois (Ben et Léo), qui donneront des cours de gastronomie à l’Université Candido Mendes. Ils créeront un menu spécial du Bicentenaire, qui sera servi dans le Chalet Heidi, le restaurant de la Casa Suíça de Nova Friburgo, mais élaboreront aussi une bière artisanale spéciale.

Comment mieux raconter deux cents ans de relation que par des images ? Pour le faire, l’ECAL de Lausanne a plongé dix de ses étudiants en immersion au Brésil en octobre 2017. Quatre jeunes réalisatrices et réalisateurs de Nova Friburgo ont fait le chemin inverse pour réaliser quatre courts métrages. Le volet audiovisuel est complété par deux courts métrages documentaires sur la Casa Suíça de Nova Friburgo et l’Association philanthropique de Rio de Janeiro qui a vu le jour en 1821. Une série de portraits des descendants sera également produite et divulguée sur nos réseaux sociaux.

L’enseignement du français a peu à peu été abandonné au sein des écoles publiques de la ville, et la langue allemande ne se fait plus beaucoup entendre dans les rues. Cette année, nous célèbrerons les deux langues sur place en présentant des programmes ciblés.

Des échanges culturels entre les deux pays auront lieu tout au long de l’année 2018. Nous aurons de la musique classique avec le concert du pianiste fribourgeois Raphaël Sudan. Nous écouterons aussi de la musique électronique avec l’échange de DJ entre la Suisse et le Brésil. Le cinéma ne sera pas en reste avec des projections de films suisses toute l’année et une programmation autour des films de Fribourg mettant en lumière le meilleur de la production locale des dernières décennies pour les enfants comme pour les adultes. Nous n’oublierons pas l’hommage rendu à trois Fribourgeois célèbres, l’artiste Jean Tinguely, le pilote de formule un Jo Siffert et le prêtre compositeur Joseph Bovet.

Quel meilleur moyen de rapprocher les peuples que le sport. Impossible de ne pas profiter du match de la coupe du monde 2018 qui opposera la Suisse et le Brésil pour montrer que notre amitié est plus forte qu’un match. La désormais traditionnelle Mountain Bike Cup de Nova Friburgo aura des couleurs helvétiques cette année.

Ce jubilé permettra aussi de développer des synergies dans les domaines de l’économie, du commerce et du tourisme ainsi que de la science et la technologie.

SOURCE : House of Switzerland (voir l'article 18.04.2019)
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