Genève : Les corneilles
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Genève : Les corneilles
La population la plus dense de Suisse
Les corneilles noires s’invitent à notre table
Les corvidés vivent à côté de nous à Genève. Opportunistes, ces oiseaux profitent de nos gaspillages et de notre surproduction de déchets. Et créent quelques nuisances.
Il marche, dodelinant, comme entravé par son ventre déjà bien rempli. C’est un habitué des lieux, au coin de la rue des Bains et de la rue des Savoises. On le voit le matin qui passe d’une poubelle à l’autre, déchiquetant le sac plastique pour en tirer sa pitance. Il vient d’attraper une enveloppe de sandwich, qu’il retourne habilement pour en faire tomber au sol les restes d’un casse-croûte. Il sautille, monté sur ressort, à l’approche d’un passant qui ne fait guère attention à lui. Puis il retourne à son pique-nique de trottoir. Parfois, il se risque même à sauter sur la table d’une terrasse pour chiper un morceau de croissant, abandonné là. Car il a l’habitude de nos rues et de ses habitants. Et se montre de plus en plus hardi.
Comme les rats
C’est un corvidé, noir des pattes jusqu’au bec. Celui du quartier a quelques plumes blanches sur le poitrail. Corneille, peut-être? Un ornithologue nous en dira plus. Justement, Laurent Valloton, adjoint scientifique au Muséum d’histoire naturelle, s’y intéresse. «L’espèce la plus abondante à Genève, c’est la corneille noire. C’est aussi la plus proche des humains. On voit aussi des corbeaux freux, qu’on reconnaît adultes par leur bec plus gris, sans plume à la base. Corneille et freux, c’est un peu le corbeau des villes et le corbeau des champs.»
La corneille noire nous est devenue familière, tant elle s’intéresse à nos déchets qui débordent des poubelles en ville et à nos gaspillages de nourriture. «Les corneilles noires sont des commensaux de l’homme, comme les rats, précise le Genevois Laurent Valloton. Elles sont d’ailleurs plus proches de l’homme, car elles évoluent dans un univers visuel comme nous, le jour. Quand le rat vit dans une dimension olfactive, la nuit.»
Les corneilles ont une excellente vue, en effet. De loin, elles peuvent voir si vous jetez du pain ou un caillou et, dans le second cas, ne se déplaceront pas. «Des corneilles se sont installées en ville depuis des décennies, mais c’est parfois mal vécu. Il faut reconnaître que ce sont des oiseaux intelligents qui ont appris à exploiter une nouvelle ressource: nos déchets, la nourriture que l’on donne aux pigeons et les pigeons eux-mêmes, surtout les œufs, les jeunes et les malades», ajoute Gottlieb Dandliker, inspecteur de la faune pour l’État de Genève. Une parade pour éviter l’éparpillement de déchets près des corbeilles publiques existe: des poubelles à ouverture latérale ont ainsi été installées au parc Bertrand.
Visages reconnus
«Elles vivent sur un territoire qu’elles défendent si un intrus se présente, quand le corbeau freux, lui, vit en colonie qui peut compter jusqu’à des centaines d’individus.» Décidément, pas les mêmes oiseaux. Genève est le canton à la population la plus dense en Suisse, il y aurait environ 1700 territoires pour quelques milliers de couples de corneilles, avec une présence plus forte en zones villas et plus faible dans les forêts denses. En ville, on compte quinze couples par kilomètre carré.
Le volatile est intelligent, sans doute le plus intelligent de son espèce. Rien à voir avec le corbeau de la fable qui se laisse avoir par le renard. La maligne, c’est elle. On le sait par expérience: un homme vêtu d’un chapeau et d’un imper nourrit régulièrement un individu; un autre homme sans les mêmes atours se présente et chasse l’oiseau; puis, au bout d’un certain temps, le méchant s’attife comme le gentil. L’animal ne se fait pas prendre. Il a reconnu le malfaisant. «Ces oiseaux se souviennent des visages pendant plusieurs années après les avoir vus une seule fois», confirme le professeur John Marzluff, de l’Université de Washington, grand spécialiste de l’oiseau.
La corneille a mauvaise réputation. Elle a le tort d’être noire Quoique, pas toujours. «Cet oiseau est gris au-delà des Alpes, en Italie, et à l’est d’une ligne séparant l’Allemagne en deux, comme dans les pays scandinaves.» On représente le corbeau fondant sur les cadavres d’un champ de bataille ou sur l’épaule d’une sorcière. Il est l’image du mal. Mais il n’y a qu’en Europe christianisée qu’il est peint en noir quand, ailleurs, on l’associe volontiers à la création du monde, au soleil, à l’amour, la sagesse et la longévité. «Cet omnivore est aussi charognard. Et puis, sa couleur, son chant qui n’est pas mélodieux ne plaident pas pour lui», commente le scientifique. La corneille peut s’en prendre à un passant aux mois de mai et juin, s’il passe trop près de sa progéniture tombée du nid. Car les corneilles sont très protectrices de leurs petits. Et voilà les images des oiseaux d’Hitchcock qui défilent dans nos têtes.
Conscientes des dangers
Pas facile d’effrayer les corneilles pour les faire déguerpir. Si elles décèlent un danger, elles sont suffisamment intelligentes pour savoir s’il s’agit d’une menace permanente ou pas. «On a tout essayé: des mannequins de rapaces, de faux serpents, rien ne marche. Le mieux pour ne pas être envahi est de ne pas laisser de nourriture traîner, de bien fermer les couvercles de poubelles, de ne pas nourrir les pigeons, car les corneilles pourraient s’inviter.» Si peu de leurres les effraient, elles craignent l’autour, leur principal prédateur. «S’il y a quelque part des plumes d’une corneille que le rapace a déplumée avant de la dépecer pour la manger, vous pouvez être sûr que les autres vont éviter le secteur pendant au moins deux semaines», ajoute Laurent Valloton. Selon une étude américaine parue dans «Animal Behavior» en 2015, pour les corbeaux (et c’est aussi vrai pour les corneilles), «les congénères morts représentent un danger saillant semblable à l’observation d’un prédateur».
Le grand corbeau (Corvus corax), le plus gros des corvidés, est présent à Genève. Quelques couples nichent dans les falaises du Salève. Certains individus peuvent peser plus d’un kilo.
Le choucas des tours (Coloeus monedula) est reconnaissable à son plumage gris et noir. Trente- six couples de ce corvidé ont été recensés à Genève en 2001.
Source : Tribune de Genève
Article posté sur Carnet Suisse (Facebook)
https://www.facebook.com/carnet.suisse/photos/a.1786443621542456/1931812990338851/
Les corneilles noires s’invitent à notre table
Les corvidés vivent à côté de nous à Genève. Opportunistes, ces oiseaux profitent de nos gaspillages et de notre surproduction de déchets. Et créent quelques nuisances.
Il marche, dodelinant, comme entravé par son ventre déjà bien rempli. C’est un habitué des lieux, au coin de la rue des Bains et de la rue des Savoises. On le voit le matin qui passe d’une poubelle à l’autre, déchiquetant le sac plastique pour en tirer sa pitance. Il vient d’attraper une enveloppe de sandwich, qu’il retourne habilement pour en faire tomber au sol les restes d’un casse-croûte. Il sautille, monté sur ressort, à l’approche d’un passant qui ne fait guère attention à lui. Puis il retourne à son pique-nique de trottoir. Parfois, il se risque même à sauter sur la table d’une terrasse pour chiper un morceau de croissant, abandonné là. Car il a l’habitude de nos rues et de ses habitants. Et se montre de plus en plus hardi.
Comme les rats
C’est un corvidé, noir des pattes jusqu’au bec. Celui du quartier a quelques plumes blanches sur le poitrail. Corneille, peut-être? Un ornithologue nous en dira plus. Justement, Laurent Valloton, adjoint scientifique au Muséum d’histoire naturelle, s’y intéresse. «L’espèce la plus abondante à Genève, c’est la corneille noire. C’est aussi la plus proche des humains. On voit aussi des corbeaux freux, qu’on reconnaît adultes par leur bec plus gris, sans plume à la base. Corneille et freux, c’est un peu le corbeau des villes et le corbeau des champs.»
La corneille noire nous est devenue familière, tant elle s’intéresse à nos déchets qui débordent des poubelles en ville et à nos gaspillages de nourriture. «Les corneilles noires sont des commensaux de l’homme, comme les rats, précise le Genevois Laurent Valloton. Elles sont d’ailleurs plus proches de l’homme, car elles évoluent dans un univers visuel comme nous, le jour. Quand le rat vit dans une dimension olfactive, la nuit.»
Les corneilles ont une excellente vue, en effet. De loin, elles peuvent voir si vous jetez du pain ou un caillou et, dans le second cas, ne se déplaceront pas. «Des corneilles se sont installées en ville depuis des décennies, mais c’est parfois mal vécu. Il faut reconnaître que ce sont des oiseaux intelligents qui ont appris à exploiter une nouvelle ressource: nos déchets, la nourriture que l’on donne aux pigeons et les pigeons eux-mêmes, surtout les œufs, les jeunes et les malades», ajoute Gottlieb Dandliker, inspecteur de la faune pour l’État de Genève. Une parade pour éviter l’éparpillement de déchets près des corbeilles publiques existe: des poubelles à ouverture latérale ont ainsi été installées au parc Bertrand.
Visages reconnus
«Elles vivent sur un territoire qu’elles défendent si un intrus se présente, quand le corbeau freux, lui, vit en colonie qui peut compter jusqu’à des centaines d’individus.» Décidément, pas les mêmes oiseaux. Genève est le canton à la population la plus dense en Suisse, il y aurait environ 1700 territoires pour quelques milliers de couples de corneilles, avec une présence plus forte en zones villas et plus faible dans les forêts denses. En ville, on compte quinze couples par kilomètre carré.
Le volatile est intelligent, sans doute le plus intelligent de son espèce. Rien à voir avec le corbeau de la fable qui se laisse avoir par le renard. La maligne, c’est elle. On le sait par expérience: un homme vêtu d’un chapeau et d’un imper nourrit régulièrement un individu; un autre homme sans les mêmes atours se présente et chasse l’oiseau; puis, au bout d’un certain temps, le méchant s’attife comme le gentil. L’animal ne se fait pas prendre. Il a reconnu le malfaisant. «Ces oiseaux se souviennent des visages pendant plusieurs années après les avoir vus une seule fois», confirme le professeur John Marzluff, de l’Université de Washington, grand spécialiste de l’oiseau.
La corneille a mauvaise réputation. Elle a le tort d’être noire Quoique, pas toujours. «Cet oiseau est gris au-delà des Alpes, en Italie, et à l’est d’une ligne séparant l’Allemagne en deux, comme dans les pays scandinaves.» On représente le corbeau fondant sur les cadavres d’un champ de bataille ou sur l’épaule d’une sorcière. Il est l’image du mal. Mais il n’y a qu’en Europe christianisée qu’il est peint en noir quand, ailleurs, on l’associe volontiers à la création du monde, au soleil, à l’amour, la sagesse et la longévité. «Cet omnivore est aussi charognard. Et puis, sa couleur, son chant qui n’est pas mélodieux ne plaident pas pour lui», commente le scientifique. La corneille peut s’en prendre à un passant aux mois de mai et juin, s’il passe trop près de sa progéniture tombée du nid. Car les corneilles sont très protectrices de leurs petits. Et voilà les images des oiseaux d’Hitchcock qui défilent dans nos têtes.
Conscientes des dangers
Pas facile d’effrayer les corneilles pour les faire déguerpir. Si elles décèlent un danger, elles sont suffisamment intelligentes pour savoir s’il s’agit d’une menace permanente ou pas. «On a tout essayé: des mannequins de rapaces, de faux serpents, rien ne marche. Le mieux pour ne pas être envahi est de ne pas laisser de nourriture traîner, de bien fermer les couvercles de poubelles, de ne pas nourrir les pigeons, car les corneilles pourraient s’inviter.» Si peu de leurres les effraient, elles craignent l’autour, leur principal prédateur. «S’il y a quelque part des plumes d’une corneille que le rapace a déplumée avant de la dépecer pour la manger, vous pouvez être sûr que les autres vont éviter le secteur pendant au moins deux semaines», ajoute Laurent Valloton. Selon une étude américaine parue dans «Animal Behavior» en 2015, pour les corbeaux (et c’est aussi vrai pour les corneilles), «les congénères morts représentent un danger saillant semblable à l’observation d’un prédateur».
Le grand corbeau (Corvus corax), le plus gros des corvidés, est présent à Genève. Quelques couples nichent dans les falaises du Salève. Certains individus peuvent peser plus d’un kilo.
Le choucas des tours (Coloeus monedula) est reconnaissable à son plumage gris et noir. Trente- six couples de ce corvidé ont été recensés à Genève en 2001.
Source : Tribune de Genève
Article posté sur Carnet Suisse (Facebook)
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